Chapitre 2 : Actions et suspicions
"Le doute est le signe de la certitude."
(Alain)
Le choc fit presque trébucher Mister D. Comment l’agresseur était-il arrivé là ? Il n’en avait aucune idée. Le portable du cadavre le rappela à la réalité. Il n’avait presque plus de batteries et cette sonnerie le lui rappelait. Le jeune homme utilisa le portable pour appeler la police puis ses amies. Il ne réussit à joindre uniquement Gros Minet qui lui demanda de se calmer car elle ne comprenait rien. Elle lui assura que tout le monde le cherchait et il n’eut pas le temps de s’expliquer que le portable n’avait plus de batteries. Il s’énerva et jeta le portable sur le sol. Il se pencha et s’assura que les yeux du mort restèrent fermés. Il s’assit, essayant de faire le point sur ce qui venait de se passer. Le temps semblait s’être arrêté, tout semblait figé devant les yeux de Mister D.
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Quelques minutes plus tard, il entendit les sirènes de police. Tout le monde était paniqué, à la recherche de Mister D, se demandant ce que la police faisait là… Gros Minet était persuadée que cela avait un lien avec Mister D. Lui était-il arrivé quelque chose ? Etait-il blessé quelque part ? Rien que l’idée lui parut insupportable ! Tratine essaya de faire bonne figure et de la consoler. Ogd était littéralement submergée par l’émotion, persuadée que quelque chose de grave venait de se produire. Digi alla se diriger vers la police pour en savoir davantage mais Jam la retint et demande à tous de regarder. Mister D sortait des bois, boitant, et se dirigeant vers la police. C’était à lui d’expliquer ce qui s’était passé, ce qu’il a entendu, ce qu’il a vu. Il regarda les invités de la fête dehors, se demandant ce qui se passait eux aussi. Lui seul détenait la réponse à ces questions mais qui pouvait répondre à ses questions à lui ?
Une femme de grande taille, aux cheveux parfaitement lisses, en uniforme, un gobelet de café vide à la main se leva la première de la voiture de police. Elle regarda de tous côtés comme pour essayer de deviner qui l’avait appelé. Mais un coéquipier l’interpella et voulut savoir ce qu’ils savaient de cette affaire :
« Apparemment un homme a été retrouvé mort, c’est tout ce que j’ai eu le temps de savoir, aide-moi à retrouver celui qui nous a appelé, il faut l’interroger car lui seul peut nous aider à éclaircir cette histoire, lui seul sait où se situe le corps, ce qui s’est passé, s’il peut identifier le meurtrier. Voyons aussi si certains connaissent la victime… », confia la jeune femme.
La bande rattrapa Mister D et elles voulurent savoir ce qui se tramait :
« Vous ne me croirez jamais si je vous le dis », leur avoua Mister D
« Quoi ? Vas-y, on s’imagine déjà le pire, crache le morceau », supplia Ogd
« C’est si grave que ça ? Pourquoi avoir appelé la police ? », s’impatienta Gros Minet
« Voilà…Accrochez-vous… J’ai entendu crier plusieurs fois, je suis allé voir, j’ai vu un homme allongé sur le ventre. Il respirait plus. J’ai senti quelqu’un près de moi et je pense que c’est son meurtrier. Heureusement, je l’ai fait fuir mais je n’ai pas pu le rattraper ».
« Oh mon Dieu, où est le corps ? », se demanda Digi.
« Je l’ai laissé là où je l’ai trouvé »
« C’est un invité ? », demanda Gros Minet
« Absolument pas et c’est ça le plus surprenant, je n’en suis pas revenu moi-même »
« Qui était-ce ? », chuchota Jam.
« Ton agresseur de tout à l’heure »
« Quoi ? », s’offusqua-t-elle
« Tu m’as très bien entendu, ton agresseur s’est fait tué lors de notre soirée, je n’en reviens toujours pas. Je ne cesse de me demander comment il a atterri là, s’il nous a suivi,… »
« Ce n’est pas possible, pas lui, pas encore, tu penses vraiment qu’il a pu nous suivre pour se venger de nous ? », demanda Jam.
« Il faut tout raconter à la police, Mister D », objecta Tratine.
« J’y vais de ce pas. Ne vous inquiétez pas : tout ce cauchemar qui semble avoir commencé s’achèvera, je vous le promets ».
Il partit rejoindre la femme aux cheveux lisses et son coéquipier mais c’est elle qui vient le trouver en premier.
« Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre la fin de votre conversation et je suis sûre que c’est vous qui nous avait appelé, je me présente, Commissaire Amandine », disait-elle en regardant Mister D.
Un silence s’installa et la commissaire brisa ce silence qui était des plus pesants :
« Où avez-vous trouvé le corps, Monsieur ? »
« Dans les bois, je vous y amène, si vous voulez », proposa-t-il
« Volontiers mais avant j’aurais quelques questions à vous poser, affirma Amandine, je vous ai entendu parler de cauchemar qui allait prendre fin : de quoi parliez-vous ? »
« Il venait de nous avouer que l’homme qu’il a retrouvé sans vie, on le connaissait. On l’a croisé plus tôt dans la journée », avoua Ogd.
« Vous le connaissiez d’où ? »
« On a eu une sorte de… conflit avec lui. A vrai dire, on devait tous les six se retrouver pour aller à cette fête. Et lorsque j’attendais que l’on vienne me chercher, cet homme a manqué de m’agresser. Les autres que voilà, m’ont sauvé et on s’est enfui. Il a dû nous suivre pour se venger ou je ne sais pas… », confia Jam.
« Etes-vous conscients qu’avec ce que vous venez de dire, vous êtes mes principaux suspects ? »
« Mais on a rien fait ! », affirmèrent l’Hexateam en même temps.
« Seule l’enquête nous le dira…seule l’enquête nous le dira… Mais vous avez tous un mobile plus ou moins évident. Vous lui en vouliez de vous avoir agressé, tous autant que vous êtes auriez pu vous venger lorsque vous l’avez aperçu par hasard ».
« Mais on aurait pas pu faire ça », sanglota Jam.
« J’en ai vu des choses surprenantes vous savez, je vais vous expliquer comment chacun de vous auriez pu avoir l’occasion de tuer cet homme ».
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Tratine :
« Vous ne vous sentiez pas bien, vous êtes allée dehors et là, vous l’avez aperçu. Ce fameux agresseur. Vous sentez votre colère monter, vous bouillonnez de rage. Il tente de s’approcher de vous, vous le repoussez, vous cherchez à fuir car crier ne servait à rien. Personne ne vous entendait. Vous vous êtes retournée, vous décidiez de l’affronter une bonne fois pour toutes. Il vous menace avec un couteau, il s’approche de vous, vous arrivez à lui voler le couteau. Par légitime défense, vous le poignardez et vous tentez de maquiller cela en suicide en plaçant un sachet de drogue dans sa main. »
Ogd :
« Vous, vous auriez pu voir une de vos amies en danger avec ce type, vous les suivez dans les bois, vous le surprenez par derrière, le couteau tombe, vous vous en emparez et vous vous défendez. Et pareil, vous maquillez la scène du crime en un vulgaire suicide ».
Mister D :
« Vous aussi vous pouvez être considéré comme suspect. Le fait que vous avez découvert le corps de change rien. Qui nous dit que pour protéger vos amies, en tant que seul homme de votre bande, vous vous êtes chargé d’éliminer ce qui constituait une menace pour vous. Puis, par panique, vous placez le sachet de drogue dans sa main, mais, au cas où la thèse du suicide ne fonctionnerait pas, vous inventez cette histoire de silhouette, de cris. Car, officiellement, vous étiez seul sur les lieux du crime avec la victime. Ou alors vous avez reconnu une de vos amies sur les lieux du crime et vous préférez vous taire… »
Digi :
« Vous, vous auriez pu faire bonne impression sur ce gars, quand vous avez su reprendre le couteau. Donc, lorsque vous l’avez aperçu, il a pu essayer de vous draguer, de vous entraîner dans ses magouilles. Vous aviez fait mine d’accepter pour chercher à le piéger. Vous l’aviez entraîné à l’écart, subtilisé à nouveau le couteau et maquillé tout cela en suicide ».
Gros Minet :
« Une de vos amies a pu apercevoir l’agresseur de nouveau et vous, vous auriez pu avoir envie de vous venger parce que vous n’avez pas pu être là pour sauver Jam. Vous savez, que ce soit au nom de l’amour ou de l’amitié, l’Homme est capable de tout. Croyez-moi par expérience… »
Jam :
« Vous aussi, en l’apercevant, vous auriez pu avoir envie d’une revanche. Vous auriez pu vouloir lui montrer de quoi vous étiez capable, que vous n’aviez pas besoin d’une armée pour vous défendre. Ou alors vous êtes allée le voir bêtement, le suppliant d’arrêter de vous harceler et ça a mal tourné. Vous vous êtes rappelée de comment Digi a réussi à le neutraliser. Vous avez fait la même chose sauf que vous êtes allée jusqu’au bout… »
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« Le défunt a été assassiné, c’est un fait, mais par qui ? Et je mettrais tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver le meurtrier », affirma Amandine.
Lorsqu’elle entendit le mot défunt, Jam fondit en larmes :
« Tout est ma faute, si je n’avais pas eu envie d’aller à cette soirée, je ne serais jamais sortie, jamais faite agressée, jamais entraîné mes amis là-dedans, l’homme ne serait sûrement pas mort ici, et mes amis et moi ne serions pas suspects. Tout est ma faute… »
« Tu n’y es pour rien si cet individu nous a agressés et encore moins s’il nous a suivi jusqu’ici, la rassura Tratine, il a cherché à se venger et Dieu seul sait ce qui lui est arrivé. »
« Au fait, j’y pense, se rappela Digi, il avait des amis qui était là lors de l’agression et qui sont partis quelques secondes après notre arrivée ».
« Vous pourriez les identifier ou du moins les écrire ? », demanda Amandine
« Hélas, il faisait nuit et j’étais préoccupée par le fait de sauver Jam tout comme les autres ».
« Pas étonnant en y réfléchissant qu’il nous ait suivis, on n’a pas fait attention mais avant de partir, il avait la rage qu’on l’ait humilié de cette façon, qu’on ait su se défendre, qu’on est parvenu à l’effrayer », constata Tratine.
« Mademoiselle Digi, vous pensez que ses amis auraient pu régler leurs comptes ici, alors qu’il vous suivait ? », se demanda Amandine.
« Je pense que c’est une possibilité à ne pas négliger, commissaire ».
Amandine s’éclipsa avec une liste de suspects qui s’allongeait de minute en minute. Forcément, le suspect se trouvait encore ici : jamais il n’aurait pu s’enfuir. Ou il se cache, ou il est là parmi les invités. Cette histoire rendit la commissaire de plus en plus soupçonneuse et Mister D l’amena près du corps.
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A leur retour, Tratine voulut être sûre que Mister D a tout dit, qu’il n’a rien oublié :
« Tout ce que je sais, tout ce que j’ai vu, entendu, je vous l’ai raconté ainsi qu’à la commissaire », confirma Mister D.
« J’ai un mauvais pressentiment, je pense même que l’un de nous l’a tué et celui à qui cela aurait été facile, c’est toi, Mister D », affirma Tratine.
« Moi ? Attends ! C’est vous toutes qui vous êtes volatilisées les unes après les autres, je vous ai cherchées et j’ai entendu crier. J’aurais dû faire quoi : ignorer ces cris ? »
« Stop ! Arrêtez ça ! Personne ici n’est coupable de quoi que ce soit », temporisa Ogd.
« En attendant, on m’accuse alors que j’ai essayé de le sauver, fit remarquer le jeune homme, cette accusation me blesse beaucoup Tratine, ça me déçoit même que tu puisses penser ça de moi. Jamais une seule seconde, je n’ai pensé que l’une de vous avez commis ce crime, accident ou non ».
Et Mister D s’éloigna alors que chacun essaya de raisonner Tratine afin qu’elle lui présente des excuses. Ogd alla chercher Mister D et tous se réunirent à nouveau :
« Que ceux qui peuvent jurer qu’ils sont innocents, lève la main droite, quoi que vous fassiez, ça restera avec nous et je vous promets que l’on vous soutiendra quoi qu’il arrive, qu’importe les raisons qui vous ont poussé à le tuer. On devra se battre pour prouver notre innocence car, comme l’a dit la commissaire, nous sommes les premiers suspects qui avons un lien avec la victime… », affirma Ogd.
Tous levèrent la main les uns après les autres et après cela, Mister D repartit, s’asseyant dans la voiture… Chacun venait de jurer qu’il était innocent mais le mal était fait.
« Les premiers suspects vont sûrement être toi et Mister D », signala Digi à Jam.
« Je sais bien et j’ai peur », lui confia-t-elle.
« Ne vous en faites pas, la commissaire a l’air de bien faire son travail, elle trouvera le vrai coupable soyez-en sûrs », les rassura Gros Minet.
« En effet, le coupable sera démasqué, leur affirma Amandine qui avait surpris leur conversation, si cela peut vous rassurer ce n’est pas parce que vous êtes les premiers suspects que vous êtes forcément coupables. Je ne pense pas ça du tout, c’est juste que pour le moment vous êtes la seule piste vers laquelle on peut se tourner et que peut-être en creusant on va trouver d’autres pistes comme les amis de la victime… Si vous voulez mon avis, continuez votre fête et changez-vous les idées sinon vous allez devenir fous à ressasser tout ça sans cesse, encore et encore. »
L’Hexateam avait décidé de suivre son conseil, Mister D était sorti de la voiture mais ne parlait pas pour autant. Ogd essaya de le réconforter en lui expliquant qu’elle comprenait que tout ce qu’il a pu voir l’a choqué et que ça l’a littéralement tué que quelqu’un comme Tratine, aussi proche de lui, puisse l’accuser du meurtre. Mais elle cherchait à lui faire comprendre qu’ils étaient tous à bout et qu’il fallait lui pardonner. Elle n’en pensait pas un mot quand elle a porté de telles accusations…
« Allez, rentre avec nous et essaie de t’amuser un peu »
Mais ce fut complètement impossible pour lui. Il ne put s’empêcher de voir encore, encore, encore et encore le corps de l’agresseur, allongé sur le sol, le couteau dans la poitrine. Il jugea bon qu’il aille s’asseoir et commença à boire. Jam, elle aussi, n’allait pas bien : malgré les efforts de tout le monde, elle se sentait toujours coupable, comme si l’agresseur lui en avait voulu à elle seule et que maintenant, toute la bande pouvait en pâtir. Gros Minet remarqua l’état de ses deux amis et annonça donc que la fête est officiellement terminée. Il fallait se rendre à l’évidence : il faudra du temps pour oublier cette journée, pour passer à autre chose et recommencer à s’amuser.
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Tout le monde était parti. Il ne restait que l’Hexteam qui ne tarda pas à faire de même. Ogd prit le volant, Tratine s’assit du côté passager et les quatre autres dans les places qui restaient du Monospace neuf de Tratine. L’ambiance n’était plus la même qu’à l’allée : fini les questions idiotes, les défis, les plaisanteries, les piques. Place maintenant au silence et à la tension. Gros Minet vit le chalet s’éloigner à travers le rétroviseur. Chacun était plongé dans ses pensées et cette journée a définitivement changé la vie de nos six héros : Tratine avait lâché son Rubik’s Cube ce qui ne lui était jamais arrivé, Mister D n’avait du tout le cœur à rire et s’amuser, Jam avait conscience qu’elle venait de perdre foi en elle aujourd’hui, Gros Minet ne cherchait plus à prouver par « A + B » que Tom Welling (Clark Kent) était plus sexy que Zachary Quinto (Sylar), Digi ne répétait plus le mot « Sharon » cinq fois dans la même phrase… Plus rien ne sera comme avant… Jamais.
Cette nuit, le couteau qui a tué l’agresseur semble aussi avoir coupé les liens qui unissaient l’Hexateam. Une distance s’est installée entre eux, une distance dont ils n’avaient aucun contrôle. Leur amitié est soudainement, contre toute attente, mise à l’épreuve et cette amitié est ce qui peut les aider à traverser et supporter cette épreuve qui sera certainement longue et douloureuse…
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Ogd :
Bien qu’elle conduisait, elle était également plongée dans ses pensées. Des pensées plutôt nostalgiques. Elle se remémora les bons moments qu’elle a partagé avec l’Hexateam. Les paris avec Tratine qui la faisait toujours rire. C’était sa confidente attitrée, celle qui lui avait appris à se servir d’un Rubik’s Cube. Dés qu’elles s’étaient croisées sur ce forum, l’entente avait été immédiate. Puis, avec Mister D, elle se rappelait des blagues qu’il lui racontait, qu’il lui faisait faire, du concours de chapeaux qu’ils avaient fait une fois, des discussions sérieuses, d’autres moins mais toutes aussi inoubliables les unes que les autres. Elle pensait aussi aux délires concernant Sharon de « Within Temptation » avec Digi où elles l’imaginait dans des situations les plus folles les unes que les autres. Les discussions jusqu’au lendemain matin avec Gros Minet avec qui elle pouvait discuter de tout et de rien, vider son sac, lui parler de ses doutes, de ses questions existentielles. Mais aussi Jam, qui une fois sans raison apparente, avait mentionné vouloir être une jument et depuis, Ogd la taquinait lui demandant si elle voulait du foin, se promener ce qui avait sensiblement rapproché les deux femmes…Voilà, pourquoi elle était attachée à ces gens-là…
Tratine :
Elle était songeuse mais davantage concernant Mister D… Elle s’en voulait de l’avoir accusé, elle voyait bien qu’elle lui avait fait du mal, l’avait blessé mais dés qu’elle essayait de s’excuser, de lui parler, aucun son ne pouvait sortir. Les mots étaient coincés dans son esprit. Pourtant, Mister D et elle étaient les premiers à avoir fait connaissance. Grâce à un topic sur la série « Heroes » qu’elle avait crée et lui avait été le premier à y répondre. Depuis, ils s’étaient mis dans la tête de maintenir ce topic en vie et parlaient beaucoup. Après tout, même s’il n’aimait pas entendre ça, c’était grâce à lui qu’ils s’étaient tous connus. Grâce à lui qu’elle s’entendait à merveille avec Ogd, la seule personne qui savait tout de sa vie de A à Z, qu’elle aimait défendre Zachary Quinto face à une Gros Minet envieuse de voler dans les bras de Superman, grâce à lui qu’elle avait fait connaissance de Digi et Jam, de toutes ces personnes qui comptaient énormément à ses yeux, ses seuls véritables amis qu’elle n’a jamais pu avoir auparavant. Mister D pouvait être agaçant parfois, lourd avec ses blagues à répétition, énervant par ses idées qui fusaient de partout, un peu trop collant mais Dieu merci, elle ne l’échangerait pour rien au monde… Tout cela lui manquait déjà et elle avait l’impression qu’elle ne retrouverait jamais cette vie-là.
Jam :
Elle était rongée par la culpabilité. Ne pas penser à cette journée lui semblait impossible. C’était comme une évidence qui s’imposait à elle, une évidence qu’elle ne pouvait pas effacer… Elle imaginait la journée sans elle : Tratine aurait pris Ogd, elles auraient rigolé comme elles l’ont fait, elles seraient passées prendre Mister D, puis Digi, Gros Minet aurait appelé parce qu’elle était sur place. Ils se seraient donc rendus là-bas, la fête aurait battu son plein, ils ne seraient pas arrivés en retard, il n’y aurait pas eu de meurtre ni d’agression. Et lors du retour, l’ambiance aurait été d’enfer, les rires auraient fusés, les blagues se seraient enchaînées, des projets auraient été faits… Mais dans la réalité, rien de tout ça…
Gros Minet :
Elle aurait préféré rester devant son ordinateur : comme avant. « Comme avant » résonnait dans sa tête et hantait son esprit. Il fallait se l’avouer : cette journée s’est terminée en un terrible fiasco, faire pire aurait été difficile. Quoi que « pire » est un mot qui n’a pas de sens. Une situation peut toujours être pire : plusieurs personnes auraient pu mourir, un des membres de l’Hexateam aussi, toute la bande, tous les invités, puis, on peut essayer de relativiser avec la fin du monde, la pauvreté, la pollution, la fin du système solaire… Les pensées de Gros Minet étaient toujours comme ça : en essayant de relativiser, elle s’éloigne du sujet et en oublie comment elle en est arrivé là. Elle débattait avec elle-même pour savoir si c’était un signe du destin, une force supérieure qui veut leur donner un avant-goût de ce qui les attend s’ils cherchent à se revoir. Dans leur cas, ce n’est même pas Internet qui est dangereux, c’est le monde réel. Comme si tout le monde s’était mis d’accord pour leur mettre le plus de bâtons dans les roues possibles…Elle devenait nostalgique du passé, d’ « avant », de leurs conversations sur le forum, sur MSN, leur guerre Zachary Quinto contre Tom Welling, la bataille de photos pour prouver qui est le plus beau, trouver les pires photos de son adversaire. Tout ceci lui manquait cruellement déjà.
Digi :
Elle resta vraiment traumatisée par la soirée qu’elle venait de passer et encore elle n’osa pas se mettre à la place de Mister D qui a découvert le cadavre, a croisé le tueur, a dû répondre aux questions de la police, et est susceptible d’être l’un des premiers suspects. Et Jam, qui se sent si responsable, si coupable, rongée par la culpabilité alors qu’elle n’y était pour rien. Cela fendait le cœur de Digi de savoir que d’autres personnes se sentaient plus mal qu’elle-même à ce moment précis…Elle regretta ses petites soirées tranquille, sa petite vie d’avant où elle ne sortait que très peu le soir…
Le silence devenait pesant, personne ne parlait, chacun regarda de son côté. Aucun bruit ne se faisait entendre : cela en devenait presque inquiétant. Devant eux, se faufilait une longue route de campagne déserte quand tout à coup, Ogd aperçut un camion devant elle en sens inverse. Il était assez loin mais la jeune conductrice se demanda quoi faire. Il faisait nuit et le camion ne mit aucun phare : il apparaissait comme invisible désormais. Ogd paniqua : chacun réalisa tour à tour ce qui était sur le point de se passer. Mister D interrompit ses pensées pour regarder ce qui se passait.
« Tu n’as pas le choix, Ogd, marche arrière », cria-t-il.
Elle s’exécuta et commença à prendre ses distances avec le camion. Mais à son plus grand étonnement, le camion accéléra ! Elle klaxonna à maintes reprises ce qui n’eut aucun effet sur le conducteur. Voulaient-ils les éliminer ? Mister D ouvrit la vitre et sortit sa tête : « Tout doux espèce de taré ». Le conducteur rigolait, son téléphone sonna. Il répondit mais le fit tomber, il se pencha pour le ramasser et accéléra encore plus sans faire exprès. Là, c’était trop et surtout c’était pas prévu… Ogd se mit à crier, Tratine à son tour, suivi de Jam, Digi, Mister D et Gros Minet. Finalement, il en aura fallu beaucoup pour entendre leurs voix à nouveau… La voiture de l’Hexateam tomba dans le fossé : Ogd avait sa tête écrasée sur le volant, Tratine était contre la vitre et son siège s’était reculé et écrasa les jambes de Gros Minet, Jam perdit connaissance et tomba sur Mister qui lui aussi ne bougeait plus… Le conducteur, lui, s’arrêta quelques secondes, puis repartit comme si de rien n’était…