Le monde était des plus surprenants. Après plus de deux ans passés à discuter sur le Net, certaines soirées et les week-ends, un groupe de jeunes venant de régions différentes de la France avait décidé de se réunir le jour-même. Ils n’avaient pas pris cette décision sur un coup de tête, c’était prévu depuis de longs mois. Tratine s’était portée garante pour aller chercher tout le monde un par un avec sa nouvelle voiture achetée la semaine précédente.
Tout le monde autour d’elle soupirait de la voir se précipiter vers cinq inconnus mais elle avait conscience au fond d’elle que ces gens-là étaient aussi sympathiques en réalité que devant une webcam. Cette journée serait celle où elle pourrait en avoir le cœur net et clouer le bec à son entourage. Elle allait prouver que Tratine, Ogd, Mister D, Digi, Gros Minet et Jam étaient aussi bien Hexateam sur Internet que dans la vie réelle, qu’ils formaient les six doigts de la main.
Elle tourna le volant et le moment qu’elle attendait le plus arriva : elle allait rencontrer Ogd en chair et en os. Ogd, la fille avec laquelle elle avait le plus d’affinités, celle qu’elle connaissait depuis le début, celle qui était au courant de la quasi-totalité de ses secrets. Elle arrêta la voiture et vit une jeune femme approcher et cogner contre la portière. C’était certain, c’était bien Ogd et elle monta dans la voiture pour chercher le reste du groupe…
Le trajet promettait d’être long voire interminable. Mais les deux jeunes femmes étaient prêtes à tout pour tuer le temps.
« Si tu savais à quel point je suis rassurée que tu ne sois pas un vieillard sexagénaire qui a utilisé sa fille ou sa petite-fille pour me piéger ! », lança Ogd.
« Ne t’en fais pas, en aucune façon je ne suis un vieillard et j’ai encore moins soixante ans », répondit Tratine le sourire aux lèvres.
« Retire ce que tu viens de dire ou je t’éjecte de la voiture », plaisanta Tratine
« Tu n’en serais pas capable, je ne me fais aucun souci. Tiens, à ce propos, une partie de Cap ou pas Cap, ça te tente ? »
« Puisque je tiens le volant et que c’est toi qui as eu l’idée du jeu, tu commences ! Cap ou pas Cap de mettre la tête dehors et de lancer « Bande de nazes » ? », défia Tratine d' un ton provocateur.
Ogd ouvrit la vitre, se pencha, prit plusieurs bols d’airs frais au passage, et s’entraîna à crier. Car pour Ogd, crier n’était pas son point fort. Après quelques hésitations, elle se lança en voyant deux jeunes sur le bord de la route en bicyclette :
« Bande de nazes », s’écria-t-elle à pleins poumons.
Elle dut attendre quelques secondes avant de retrouver sa voix. Elle n’acceptait pas de crier pour n’importe qui. Tratine n’en avait peut-être pas conscience mais elle venait d’accomplir un réel exploit à noter dans le livre des records. D’humeur farceuse, Tratine sortit donc un carnet et nota « Ogd élue Miss Décibel de l’année ». Elle arracha la page et la tendit à Ogd en guise de trophée :
« Je ne me moque absolument pas, je rentre dans ton délire tu le sais bien », la rassura Tratine
« Allez, maintenant laisse-moi me venger », déclara Ogd d’un ton des plus solennels.
Tratine avait oublié que le mot « vengeance » se trouvait dans le dictionnaire. Elle se douta qu’Ogd allait lui faire faire les pires choses juste pour se venger. Qui sait, elle irait peut-être lui faire avaler des vers de terre ? Ou pire… Lui demander de chanter en pleine rue ou même de chanter nue en pleine rue ? A ces idées, Tratine trembla et fixa les yeux de son amie comme pour deviner ce qui l’attendait… Elle espérait secrètement qu’en devinant son sort, elle aurait davantage de temps pour se préparer…
« Ne me fais pas attendre plus longtemps, j’ai une voiture à conduire je te rappelle »
« Justement plus pour longtemps… Alors, Cap ou pas Cap de te glisser là, maintenant, à l’arrière de la voiture et de me laisser le volant ? », déclara une Ogd satisfaite.
« Sans arrêter la voiture, mais tu es folle ? », protesta Tratine.
« Bon d’accord, et c’est bien parce que c’est toi. Prends soin de la voiture, elle est neuve, ne l’abîme pas sinon c’est moi qui me vengerais. Au nom de notre chère amitié, je te donne le volant. »
A ces mots, Tratine enleva ses mains du volant et Ogd le tint à son tour. Elles profitèrent du fait que la route était en ligne droite pour effectuer l’échange. Ogd sut très bien prendre la place côté conducteur mais Tratine avait coincé sa chaussure entre les deux sièges de devant :
Ogd avança son siège, elle était légèrement écrasée sur le volant maintenant mais cela avait pu permettre à son amie de récupérer son pied.
« Il aurait été hors de question de couper mon pied, souligna Tratine, pas sans mon accord »
« Je t’aurais déclarée déficiente mentale et j’aurais pris la décision à ta place »
« Honnêtement Tratine, je suis agréablement surprise que tu me fasses assez confiance pour conduire ta voiture, et neuve en plus ! Tu vas rire mais tu sais que c’est la première fois que je tiens un volant et que je n’entends ni reproches, ni hurlements, ni de quelconques menaces, ni insultes. Pour la première fois, je ne ressens aucune pression, je me sens libre. »
« Personne ne me fait jamais confiance. On me dit de faire attention, de ralentir, d’accélérer, de regarder à droite, à gauche, derrière. Sauf que personne n’arrive à comprendre que je n’ai plus cinq ans. Je suis une adulte qui a le droit de voler de ses propres ailes »
« Je suis entièrement d’accord avec toi. Pour ma part, ce que tu décris là, je ne l’ai vécu que lors de la conduite accompagnée. C’est comme manger une glace dont on tient le cornet de peur que tu ne puisses le faire toute seule »
La comparaison fit rire Ogd et elles aperçurent immédiatement le lieu du rendez-vous où elles devaient retrouver Mister D. Ce n’était qu’un simple parking désert mais avec le bruit des bouteilles écrasées sur le sol, les hurlements qui sifflaient aux oreilles des deux jeunes femmes, l'odeur insupportable d'alcool qui régnait expliqua rapidement pourquoi Mister D se rua dans la voiture...
« Bah dis donc, c’est pas triste chez toi ! », fut forcée de constater Tratine.
« M’en parlez pas, encore que vous avez pas de bol, samedi c’est le pire »
« A avoir su, on serait venues te chercher un autre jour », lança Ogd sur le ton de la rigolade.
« Ah non ! Mais de toute façon, ils ne sont pas dangereux. Ils cherchent juste à se faire remarquer ».
« On a vu ça : on aurait dû prendre l’un d’entre eux avec nous au cas où on se perdrait parce qu’on ne pourra pas compter sur Ogd pour crier de la sorte », affirma Tratine.
« Oh ça va ! Crie-le sous tous les toits que je ne sais pas crier », répondit Ogd.
Tratine s’apprêta à baisser la vitre quand Ogd la stoppa net :
« Hé ! Je plaisantais ! Mais elle est folle, elle ferait tout ce que l’on lui dit »
« Je vois que vous deux, ça fonctionne bien dites donc ! », constata Mister D
« Si tu savais tout ce que l’on a fait en ton absence dans cette voiture », répondirent Ogd et Tratine en chœur.
« Je ne veux même pas savoir… »
« Oh arrête avec ton esprit tordu ! Pffff on s’est juste lancés quelques défis, on a pas mal discuté de choses plus ou moins sérieuses… », dit Tratine d’un ton assez sérieux.
« Je n’ai jamais prétendu le contraire… »
« Tiens, au fait, Mister, tu préfères mourir brûlé vif ou congelé dans un lac gelé ? », demanda Ogd sur un ton de défi
« Mais c’est quoi ce genre de questions…C’est vous les tordues… »
« Je n’ai rien dit du tout », se défendit Tratine.
« Allez, réponds, ça ne va pas te tuer… »
« Si vraiment j’avais le choix, j’opterais pour le lac gelé parce qu’avec un peu de chances je pourrais en ressortir vivant dans quelques années… »
« Ahhhh c’est glauque votre truc », s’écria Tratine
« Imagine Mister D revenant dans le monde des vivants tel un zombie ayant comme mission de nous tuer… », chuchota Ogd
« Mon dieu ! Stop ! Je déteste d’habitude ce genre de film… », affirma Tratine
« Rassurez-vous… Je ne tuerais personne, et si cela peut vous rassurer, j’éviterais les lacs gelés pendant un moment… »
Tous les trois rirent de bon cœur. Tratine attrapa son sac et fit tomber accidentellement un Rubik’s Cube. Elle se rappela avoir initié Ogd à ce jeu :
« Dis Ogd, tu te rappelles de nos tournois par webcam ? Tu t’es sérieusement amélioré depuis, à croire que tu as eu un bon professeur… »
« Tu es tellement obsédée par ces cubes que tu m’as rendue moi aussi accro, plaisanta Ogd, et bien entendu je n’aurais pas pu rêver d’un meilleur prof que toi ! »
« Mister D, tu ne veux toujours pas t’y mettre ? Tu as largement le temps pour égaliser notre niveau… »
« Non, merci. Les cubes je n’aime pas trop ça ! »
« Allez ! Pour nous faire plaisir… », répétèrent les deux femmes ensemble.
Mister D accepta d’au moins tenir le fameux cube entre ses mains. C’est déjà un exploit… Il le tourna timidement et commença à mélanger les couleurs…
« Je sors le chronomètre, pour que tu aies une idée de ton temps à améliorer… », proposa Tratine.
« Comme tu veux mais de toute façon je ne risque pas de faire un superbe record de vitesse », prévint le jeune homme.
« 3…2…1…Partez ! »
Dans la précipitation, le cube échappa plusieurs fois des mains de Mister D. Il grogna et se pencha pour le récupérer à chaque fois. Tratine et Ogd se retinrent de rire tellement que le jeune homme n’était pas prêt de finir le cube… Au bout de vingt minutes, Tratine s’autorisa à lui donner des conseils et ainsi, il put achever ce fameux Rubik’s Cube en moins de trois quarts d’heure…
« Si cela peut te rassurer, mon premier score n’a pas été très brillant non plus », l’avertit Ogd.
« C’est-à-dire ? », demanda-t-il
« Euh… j’ai dû faire vingt minutes, je crois », essaya-t-elle de déclarer avec le plus d’hésitation possible.
« C’est déjà mieux que moi… »
« Tu sais crier toi au moins ? », lui demanda Tratine.
« Bien sûr, mais ça dépend des fois…Pourquoi cette question ? »
« Parce qu’Ogd est peut-être plus douée que toi au Rubik’s Cube mais quand il s’agit de crier, elle a des difficultés… »
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15h
Pendant ce temps, Digi attendait sur un trottoir. Il faisait froid et elle était de plus en plus impatiente. Une voiture de couleur noire s’arrêta et le passager ouvrit la vitre teintée :
« Hey petite ! Tu veux faire un tour ? Ton tarif sera le mien, je ne vais pas jouer les difficiles ce soir », annonça-t-il clairement.
« Pardon ? Non, mais vous vous prenez pour qui ? », s’offusqua Digi.
« Sale allumeuse, tu montes ou quoi ? Je vais pas y passer la nuit »
« Barrez-vous, gros porc ! Je ne fais pas le trottoir, espèce de pervers », lança la jeune femme
L’homme sourit légèrement, fuma un bon coup et remonta la vitre pour ordonner à son chauffeur de continuer la route.
« Non mais faut croire que les samedis soirs, tout le monde pète les plombs, c’est pas possible ! Moi une prostituée ? On aura tout vu ! Il s’agit de voir une fille bien habillée sur un trottoir toute seule et ça y est, on s’emballe et on montre les billets verts. Que je le recroise celui-là, il aura vraiment affaire à moi…»
Soudain, elle aperçut la voiture qu’elle attendait tant arriver dans sa direction. Et son téléphone sonna en même temps. Elle décrocha tout en s’apprêtant à monter dans la voiture de ses amis…
« Ah oui c’est toi … Mais tu es où là ? Ah d’accord, entendu, je transmets le message. A tout à l’heure ! »
Et Digi raccrocha. Elle attacha sa ceinture et s’expliqua avec les trois autres :
« Vous devinerez jamais ce qui m’est arrivé tout à l’heure ? Un homme m’a accosté me prenant pour une pauvre fille de joie… J’ai halluciné : il m’a demandé cash mes tarifs et si je voulais le suivre. Et il a été d’une vulgarité, j’ai bien eu peur de ne pas réussir à m’en débarrasser mais voyant qu’il n’obtiendrait rien de moi, il a fini par partir… »
« Et ça va ? Pas trop perturbée ? », s’inquiéta Mister D
« Certes, ce n’est pas tous les jours qu’on m’accuse de faire le trottoir mais ça va aller, je m’en suis bien tirée et ah, au fait, je viens d’avoir Gros Minet au téléphone. Elle m’a dit que comme la fête à laquelle on se rend à lieu près de chez elle, elle a préféré y aller directement ! »
« Okay, ça marche », conclut Ogd, le chauffeur.
« Il ne manque donc plus que Jam », ajouta Tratine très perspicace.
« Let’s go », s’est cru bon de rajouter Mister D.
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15h30
A vrai dire, Gros Minet était déjà arrivée et terminait les petits détails de dernière minute. Elle avertit les quelques invités déjà présents que l’Hexateam était presque au complet, donc, il fallait faire vite. Gros Minet se chargea de surveiller les boissons afin que les invités ne puissent se jeter uniquement sur les boissons alcoolisées. D’autres vérifiaient que le DJ de la soirée était bien arrivé et avait tout ce dont il avait besoin…
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16h
« Et au fait, Ogd, si tu devais choisir entre avaler des vers de terre vivants ou une poignée de fourmis rouges, tu ferais quoi ? », lança Mister D
« Question intéressante que je ne me serais pas posée par moi-même », remarqua Digi.
« Allez réponds Ogd ! », s’empressa de dire Tratine.
« Je pense que je choisirais difficilement les vers de terre, mais vraiment s’il y a que ça… »
« Mon dieu, je crois que je vais vomir », avertit Tratine.
« Arrêtons là, sinon Tratine n’arrivera pas au mieux de sa forme à destination.. », annonça le jeune homme
« Merci de veiller sur moi. Et Ogd, si tu en as marre de conduire, dis-le, on te remplacera à tour de rôle », répondit-elle.
« Pour le moment, ça va. Je peux continuer encore un peu ».
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17h30
Jam, la dernière à attendre la voiture de l’Hexateam, était assise dans un abribus, tranquillement en tentant d’ignorer le froid et les personnes qui l’entouraient. Elle croisa le regard de plusieurs adolescents, complètement défoncés qu’ils s’appuyaient les uns sur les autres pour marcher. Mais l’un d’entre eux sembla plus en forme que les autres, et dés que Jam l’aperçut, elle se mit à trembler. Lorsqu’elle sentit que l’homme la fixait du regard, dés ce moment-là, elle ne savait plus trop quoi faire : laisser faire, crier, fuir, se défendre toute seule… Elle était consciente que c’était samedi soir et que les hommes qui se tenaient devant elle avaient dû abuser de substances illicites. Elle regarda le sol et vit les pieds de l’inconnu s’approcher de plus en plus dangereusement. Elle devait agir vite…
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17h40
« Jam ne doit plus être très loin, maintenant, ouvrez grands les yeux », demanda Ogd.
« Il commence à faire nuit, ce n’est pas facile de l’apercevoir. Pourvu qu’elle nous voie…, répondit Tratine, l’ambiance qui semble régner ici me fait davantage froid dans le dos que n’importe quel endroit dans lequel on a pu aller jusqu’à présent ».
En effet, elle aperçut des jeunes fracasser des bouteilles vides contre le mur, se tabassant les uns les autres, tenant à peine debout. Avec la nuit, c’était comme si le monde des Ombres était venu posséder les êtres humains pour se rebeller.
« Je ne voudrais pas vous affoler mais moi aussi je commence à flipper. Si Jam est coincée dans un endroit avec la même ambiance qu’ici, on a très largement intérêt à faire vite pour la récupérer… », confia Digi.
« Je sais que je ne devrais pas te demander ça, mais, tu pourrais accélérer un petit peu pour qu’on soit rassurés », demanda Tratine de plus en plus inquiète.
« Et zut son portable ne répond pas », annonça Mister D.
« Calmez-vous, je sais ce que l’on va faire. Quelqu’un va prendre ma place au volant et ça ira plus vite, croyez-moi. Car je suis sous pression et généralement en voiture ça ne résulte rien de bon », avoua Ogd.
« Okay. Alors je prends le volant, décida Mister D, j’hésiterais pas à appuyer sur l’accélérateur s’il le faut ».
« Je te laisse le volant volontiers. Faisons vite, on n’a plus de temps à perdre ».
Ogd arrêta la voiture et échangea sa place avec Mister D. Chacun croisa les doigts et tentèrent d’ignorer cette voix qui leur murmurait que Jam était en grave danger…
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17h45
Jam s’aperçut qu’il était trop tard : l’homme s’était rapproché d’elle de façon à l’empêcher de bouger. Il la regarda avec attention, les yeux grands ouverts comme s’il essayait de l’examiner…
« Enlève tes sales pattes », balbutia-t-elle
« Tu n’as pas dit « s’il te plait », sale gosse », cria l’homme inconnu.
« Pourquoi je n’ai pas fui avant ? », se demanda Jam
Elle savait pertinemment qu’elle était coincée, qu’elle aurait dû réagir plus tôt. Maintenant, elle se retrouva nez à nez à un inconnu qui a prévu de faire « on ne sait quoi » avec elle. Elle avait essayé de se débattre mais il la tenait de plus en plus fort maintenant. Tout à coup, il reprit un ton plus calme :
« Ça te dirait de t’amuser un peu, ma belle ? », lui proposa-t-il
« Lâchez-moi d’abord »
« Hors de question »
« S’il vous plaît », supplia la jeune femme
« J’ai un petit cadeau pour toi », annonça l’inconnu
Il lui tendit un bien étrange sachet qu’elle ouvrit. Cet abruti était en train de lui proposer de la drogue. Elle étala l’espèce de poudre dans sa main et balança le tout sur la figure de son agresseur. Elle réussit à s’échapper de son étreinte mais ne put faire que quelques pas. Il la rattrapa, la plaqua sur le sol, la retourna et tout ceci sous le regard presque amusé de ses amis qui les regardaient de loin. Elle eut du mal à réaliser qu’elle avait touché de la drogue ! Et c’était pire quand l’homme lui demanda de le suivre en direction de Las Vegas, s’amuser tout en sous-entendant qu’il pourrait y avoir un mariage à la sortie.
« Mais vous êtes malade, mon pauvre », lui lança Jam
« Ne redis jamais ça, sale garce », s’énerva l’inconnu
Il la tint par le visage, l’air plus menaçant que jamais. Elle se retint de ne pas pleurer, de ne pas montrer à ce type qu’elle était vulnérable mais ne put s’empêcher de regarder sa montre espérant secrètement que l’Hexateam débarquerait pour la sauver…
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18h
Mister D était maintenant au volant de la nouvelle voiture de Tratine. Les autres avaient les yeux rivés vers l’extérieur en espérant croiser Jam. Au bout de quelques minutes, ils aperçurent une jeune femme en danger.
Digi sortit la première de la voiture, sans vraiment réfléchir à ce qu’elle faisait. Les hommes en arrière-plan paniquèrent et prirent la fuite. Tratine et Ogd suivirent Digi qui essayait déjà de séparer l’inconnu de son amie. L’inconnu prit Digi par les cheveux, la traînant presque au sol. Mister D, voyant que la situation se dégradait, rappliqua vite fait et asséna un énorme coup de poing dans la figure de l’agresseur. L’homme se releva, se jeta sur Mister D et une bagarre éclata. Mister D fut à son tour jeter à terre, l’inconnu enleva sa veste pour mieux frapper le pauvre homme. Ogd donna un coup de pied dans le dos et l’homme cria de douleur. Etant accroupi maintenant, l’inconnu peina à se relever mais on pouvait encore voir son regard qui montrait qu’il ne rêvait que d’une chose : mettre la pâté à ce gars et ces espèces de pom-pom girls.
L’homme se mit à courir en direction de Jam. Tratine tenta de le rattraper et elle se retrouva face à lui. Elle lui envoya un bon coup de pied dans le ventre qui l’expédia à nouveau sur le sol. Il était assommé. Jam se pencha et lui cracha au visage en l’insultant. Par prudence, Digi fouilla la veste de l’agresseur au cas où il viendrait à reprendre connaissance et y trouva avec stupéfaction un large couteau de cuisine. L’agresseur rouvrit les yeux et Digi était déterminée à ne plus se laisser faire : elle brandit le couteau et le lui montra.
Pour la première fois, tous virent l’inconnu paniquer. Il n’arrivait plus à aligner trois mots, ne bougeait plus parce qu’il savait que la situation se retournait contre lui. Digi le menaça des pires représailles si il en venait à retoucher un cheveu de l’Hexateam et exigea qu’il ne bouge pas pendant que les six amis s’en allèrent.
Chacun monta un par un dans la voiture. Ogd décida de reprendre le volant et s’éloignèrent fixant du regard un pauvre agresseur minable se tordant de tous côtés. Le petit voyou se promit de ne pas se laisser faire ainsi la prochaine fois et finit par se relever…
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20h
« Pourquoi moi, pourquoi maintenant », se demanda Jam
« Ce genre de crapule frappe au hasard, cela aurait pu tomber sur n’importe qui, tu as eu de la chance, nous sommes arrivés à temps », lui répondit Mister D
« Dieu seul sait ce qui aurait pu m’arriver, je ne vous en remercierais jamais assez »
« On était là pour t’aider mais tu n’y es pour rien dans ce qui t’est arrivé », la rassura Digi
« Il a peut-être cru que je le draguais, que je l’ai provoqué, que je lui ai lancé un regard qu’il ne fallait pas », sanglota Jam.
« Absolument pas ! Ce type est un malade qui avait besoin d’une victime et hélas c’est tombé sur toi. L’histoire s’arrête là : arrête de te torturer », affirma Tratine.
« Tratine a entièrement raison », conclut Ogd.
« Tu dois passer à autre chose. Tout est fini, tu ne reverras plus jamais ce type. Tu n’en entendras plus parler. Tu dois oublier cette agression et tourner la page », lui conseilla Mister D.
« Promis, je vais oublier tout ça. Sur ce, essayons de passer une bonne soirée ».
Pour divertir un peu tout le monde, Tratine ressortit son objet préféré : le Rubik’s Cube. Elle proposa à chacun une petite compétition. Mister D refusa catégoriquement : son énième essai de tout à l’heure lui a largement suffit. Jam et Digi, n’ayant jamais essayé, acceptèrent volontiers. Tratine leur montra quelques astuces à deux élèves des plus attentifs.
Ce fut le moment de lancer la compétition : Tratine lança le compte à rebours : « 3…2…1… C’est parti ! ». Digi et Jam se ruèrent sur leurs cubes déterminées à le terminer avant d’arriver. Mais hélas, ce ne fut pas le cas. Digi était sur le point d’achever son cube quand Ogd annonça : « Nous sommes arrivés à destination ».
En effet, pour leur petite fête, Gros Minet avait déniché un petit chalet abandonné en pleine montagne. C’était près de chez elle et c’est pourquoi elle a préféré venir finir de préparer plutôt que d’attendre l’Hexateam. Elle accueillit ses amis et leur promit une soirée inoubliable. Mais, malheureusement, les gens avaient déjà commencé à venir, l’Hexateam avait du retard et donc, certains sont partis voyant que les invités d’honneur ne sont toujours pas arriver… Ogd klaxonna et attira ainsi l’attention de ceux qui avaient l’intention de partir. Elle lança à ses amis des T-shirts avec « Hexateam » sur le devant et rentrèrent en même temps dans le chalet, faire la fête, passer le meilleur samedi soir de leur vie.
Gros Minet fit un petit discours au micro pour annoncer la venue de ses amis. Elle fit de rapides présentations avant de laisser place au DJ. Lorsqu’elle rejoignit les autres, Gros Minet apprit la raison du retard des cinq autres membres de l’Hexateam :
« Quoi ? Jam, tu as été agressée ? »
« Oui… », répondit timidement Jam.
« Et comment cela s’est fini », s’interrogea Gros Minet
« Les autres sont arrivés à temps et l’ont mis KO presque chacun leur tour. Je ne les remercierais jamais assez »
« Vous avez eu de la chance de ne pas être blessés, cela aurait pu bien vite dégénérer »
« On a dû agir dans l’urgence, mais, on l’a laissé à moitié dans les pommes, le pauvre », ironisa Ogd.
« Vous l’avez laissé sur place ? », s’étonna Gros Minet.
« Tu voulais que l’on fasse quoi d’autre », répondit Tratine.
« L’envoyer à la police ! »
« Il n’en valait pas la peine, ce n’est qu’un minable qui a eu la leçon qu’il méritait », se défendit Ogd.
« Et de plus, on a réussi à le maîtriser grâce à Digi qui a trouvé son couteau sinon on aurait été dans de sales draps », raconta Mister D.
« On n’aurait pas pu le retenir assez longtemps avant l’arrivée de la police avant que cela ne dégénère encore plus », constata Jam.
« Il aurait pu me subtiliser le couteau et s’en servir contre nous », s’affola Digi.
« Je ne supporte absolument pas les criminels, disait Gros Minet, si cela ne tenait qu’à moi, il serait en prison et regretterait ce qu’il vous a fait. La justice aurait pu se charger de cette crapule mais j’imagine qu’il est trop tard maintenant…
«De toute façon, il est trop tard pour porter plainte, mais je me hâterais demain matin. C’est la seule façon de pouvoir tourner la page. Avec un portrait robot, on pourrait le retrouver avec un peu de chance », affirma Jam.
Tous étaient décidé à faire payer l’agresseur mais ce, à partir de demain matin. Ce soir, ils allaient mettre de côté cette histoire et s’amuser un peu : leur première soirée ensemble, réunis enfin.
Les heures passèrent vite, Digi aperçut les verres vides s’empilaient, Tratine vit quelques uns se faufiler discrètement vers la sortie alors que d’autres baillaient. Mais, peu importe, l’Hexateam était toujours et encore réunie, plus soudée et solidaire que jamais. A croire que les liens qu’ils ont tissés sur le Net avait résisté à leur rencontre, tout semblait comme devant un ordinateur alors que chacun s’était imaginé pendant quelques secondes le pire. Et si le courant ne passait pas entre eux ? Et si ils se décevaient les uns les autres ? Mais ce n’était absolument pas le cas, tout allait bien pour le meilleur des mondes.
Tratine demanda à Gros Minet de lui indiquer où sont les toilettes, Ogd alla répondre à son téléphone qui ne cessait de sonner et Digi fila se changer car un imbécile lui a renversé de la bière sur son T-Shirt : Jam l’accompagna. Personne ne s’aperçut qu’ils laissèrent Mister D seul, les cherchant partout... Celui-ci décida d’aller dehors pour prendre l’air et prendre des photos du lieu et du paysage qui s’offrait à lui en attendant de croiser l’une des filles.
Mister D prenait quelques photos du chalet sous différents angles quand, tout à coup, il entendit ce cri strident, effroyable, violent qui brisait le calme de la nature. Personne ne semblait réagir, sûrement que la musique était trop forte à l’intérieur pour entendre quoi que ce soit. Lorsqu’il retourna à l’intérieur, personne ne le prit au sérieux et tous pensaient qu’il essayait de leur faire peur. Il remarqua que son portable n’avait plus de batteries et entendit un nouveau cri similaire. Cette fois-ci il se décida à agir et courut en direction des bruits. Il se heurta à quelques obstacles qu’il évita plus ou moins. Il s’aventura dans les bois ce qu’il n’aima pas trop. Il mettrait sa main à couper que le cri venait d’un homme. Il avait reconnu une voix masculine, plutôt rauque. Un nouveau cri retentit ce qui montra au jeune homme qu’il s’était trompé de direction. La voix était cependant plus proche que les autres fois. Il enjamba les branches se trouvant au sol et vit une ombre près d’un arbre. Ceci sera sûrement la plus macabre découverte que Mister D fera dans sa vie : l’homme était allongé sur le ventre. Le jeune homme se pencha pour prendre son pouls. Il ne sentait rien. Il fixa ce corps inanimé, cet homme qui a perdu la vie mais n’osa pas le retourner. Voir son visage aurait certainement traumatisé davantage le pauvre homme. Mister D sentit une présence approcher. En effet, une ombre venait vers lui mais dés qu’il se retourna, prit la fuite. Le jeune homme pourchassa cette ombre, persuadé qu’il s’agissait du meurtrier ou du moins d’un témoin du crime. Car il était persuadé que c’était un crime. La silhouette commençait à s’éloigner et Mister D trébucha sur une branche qu’il n’avait pas vue. Il se leva péniblement, boitant quelque peu et revint sur les lieux où il a découvert le cadavre. Celui-ci était toujours à sa place. Il aperçut quelque chose coincé dans la main du cadavre. Il se décida à le retourner et fit plusieurs découvertes qui le choquèrent. D’abord, il avait un sachet de drogue dans la main, puis, a été tué à cause d’un poignard dans la poitrine mais surtout il avait reconnu son visage. Il l’avait rencontré déjà plus tôt dans la journée. Il l’avait haï et ils s’étaient battus quelques temps. Il avait devant lui le corps de l’agresseur de Jam… Mister D n’en revint pas !